Une Histoire des Nombres.
Un tableau synoptique sur l'histoire des nombres.
L'humanité a mis des millénaires pour passer de la quantité aux nombres. L'idée de nombre est l'aboutissement d'un long travail d'abstraction de la pensée.
- -30 000.
Présence d'entailles numériques. - - 8 000.
Apparition des calculi au Moyen Orient. - -3 300.
Premiers chiffres à Sumer et en Elam. Première numérotation écrite.
Naissance de l'écriture. - -2 700.
Chiffres sumériens cunéiformes. - -2 000.
Apparition de la base décimale. - -1 800.
Numérotation babylonienne savante. Première numérotation de position. - -1 300.
Apparition des chiffres chinois. - - 6e s.
Découverte des valeurs irrationnelles. Pythagore. - - 4e s.
Première crise du concept d'infini. Aristote. - - 300.
Numérotation alphabétique grecque. - - 3e s.
Apparition du premier zéro de l'histoire dans la numérotation savante babylonienne.
L'idée de limite est formulée pour la première fois. Archimède. - - 2e s.
Numérotation de position chinoise sans zéro. Apparition des neuf chiffres brâhmis qui deviendront les chiffres indiens. - Premiers siècles après J.-C.
Les nombres négatifs. - 4/5 ème siècles.
Numérotation de position indienne. - 5/9 ème siècle.
Numérotation de position maya avec un zéro. - fin 8 ème siècle.
Arrivée du calcul indien à Bagdad. - 10 ème siècle.
Chiffre ghobar dans le Maghreb et dans la péninsule ibérique.
Ces chiffres dont la graphie diffère de ceux en usage dans le moyen orient arabe sont les ancêtres des chiffres en usage aujourd'hui.
Le pape Sylvestre II tente d'imposer ces nouveaux chiffres. - 12/15 ème siècle.
Présence du zéro de la numérotation indienne en Occident. - 13 ème siècle.
Premier usage d'une suite. Fibonaci. - 16 ème siècle.
Premier emploi systématique des fractions continues. Bombelli.
Cardan et Bombelli formulent pour la première fois les nombres complexes. - 16 ème siècle.
Invention de la notation littérale par Viète. Voir le symbolisme algébrique. - 1635.
Les valeurs infinitésimales. Cavalieri. - 1677.
Invention du calcul infinitésimal par Newton et Leibniz.
Premier emploi systématique des séries infinies. Newton et Leibniz. - 1797.
Découverte d'une interprétation géométrique des nombres complexes par Gauss. - 1825.
Découverte des nombres algébriques, ne pouvant pas s'exprimer par radicaux. Abel. - 1843.
Invention des quaternions. Hamilton. - 1844.
Découverte des nombres transcendants par Liouville. L'expression "transcendant" est cependant de Leibniz (17e)
Histoire des nombres.
Les marques numériques.
Les plus anciennes dates des premières civilisation du Paléolithique (30 000 ans environ av. J.-C.).
Les hommes, qui durent apprendre à conserver les nombres, avaient à leur disposition deux supports privilégiés, les os et le bois.
Pour mémoriser combien il y avait d'éléments dans un ensemble de choses (bêtes, hommes ou objets), les hommes du Paléolithique faisaient une marque (souvent une entaille) sur le support choisi.
Ainsi, des "os numériques" de près de 30 000 ans ont été retrouvé.
Pour assurer cette fonction de mémorisation de la quantité, l'homme, hormis l'os, le bois ou la pierre, a aussi utilisé son propre corps (doigts, orteils, bras, jambes, articulations..).
De nombreuses civilisation ont ainsi développé de complexes "cartographie corporelles numériques" accompagnées de grammaires gestuelles.
Le calcul digital permettait d'ailleurs au XVIe siècle, en chine de dépasser le milliard !
Document tiré de la Summa arithmética de Luca Pacioli.
Calcul digital du Haut Moyen Âge.
Les numérotations figurées.
Font ensuite leur apparition. Chaque nombre est représenté par un signe physique. Des marques sur un support "en dur" ou bien, des objets (cailloux, perles, coquillages, nœud, ficelles..) représentent donc des nombres et toutes sortes de dispositifs matériels ont été mis au point : calculi, tables à compter, "planches à poussière", abaques, bouliers, cordelettes à nœuds (présentes dans la Perse de Darius au 5ème siècle av. J.-C.)
C'est en Mésopotamie et dans d'autres lieux du Moyen Orient (vers -8 000) qu'apparaissent les calculi.
Dans la pratique, chaque caillou vaut "un" et pour des raisons de commodité évidente, on eut l'idée de remplacer un tas par un seul caillou de nature différente, par sa couleur ou par sa forme.
On retrouve d'ailleurs en Mésopotamie chez les sumériens des objets fabriqués ("pierres d'argile"), les calculi (calculus, "caillou" en latin), dès la moitié du 4ème millénaire av J.-C.
Dans la numérotation sumérienne, qui est de base 60, le petit cône vaut 1, la bille 10, le grand cône 60, le grand cône perforé 3600 et la sphère perforée 36 000. |
Dans la pratique, chaque caillou vaut "un" et pour des raisons de commodité évidente, on eut l'idée de remplacer un tas par un seul caillou de nature différente, par sa couleur ou par sa forme.C'est en Mésopotamie et dans d'autres lieux du Moyen Orient (vers -8 000) qu'apparaissent les calculi.
On retrouve d'ailleurs en Mésopotamie chez les sumériens des objets fabriqués ("pierres d'argile"), les calculi (calculus, "caillou" en latin), dès la moitié du 4ème millénaire av J.-C.
Tous ces dispositifs matériels souffrent d'une grande faiblesse, ils sont impuissant à garder trace du passé car chaque étape du calcul supprime les précédentes.
Les numérations écrites.
A Sumer, vers 3 300 av. J.-C., en Mésopotamie est née l'écriture. Elle aurait été élaborée pour la gestion de l'empire, terres, troupeaux, hommes, grains...
La première numérotation écrite est sumérienne. Dans les premières tablettes d'argile (qui nous ont révélé l'écriture), apparaissent des nombres. Numération écrite et écriture semblent être contemporaines.
- Ci-dessous à gauche, une tablette d'argile (2 400 ans av. J.-C.) en écriture cunéiforme où figurent clous et chevrons qui serons les chiffres de cette numération. A droite, une table de multiplication par 25, provenant de Suse et conservée au musée du Louvre (datant de -2 000 environ).
L' établissement d'une comptabilité, devenue de plus en plus complexe, a nécessité un enregistrement des comptes. Ainsi serait née la première numérotation écrite (qui est sumérienne)
Les chiffres sont le plus souvent représentés par des symboles particuliers ("la fleur de lotus" par exemple en Égypte) mais quelques civilisations choisissent de ne pas en créer (la numérotation écrite hébraïque par exemple ou la grecque -l'alpha est 1, bêta 2..- ).
Les règles de construction des numérotation écrite sont simple :
- il faut permettre une lecture sans ambiguïté, une même écriture ne devant pas représenter deux nombres différents.
- Il faut représenter un maximum de nombres avec un minimum de symboles.
La base.
C'est l'usage d'une base qui permettra de répondre au mieux aux contraintes posées.
Au lieu de compter uniquement par unités, on compte "par paquets".
La plus fréquente est la base décimale (10), mais on trouve également :
- des bases sexagésimale (60), utilisée par les Sumériens et parfois au moyen âge en France, vicésimale (20), utilisée par les Mayas,
- duodécimale (12),
- quinaire (5), utilisée aussi par les Mayas
- et binaire (2).
Chez les Mayas, le moyen le plus simple pour représenter les nombres était un système utilisant, le point valait 1, la barre 5 et un zéro. On les trouve sur le codex de Dresde.
- Dans leur base 20 de type additif, l'unité est représentée par un point, la vingtaine par une hache, le nombre 400=20*20 par une plume.
- Extrait du codex de Mendoza (16e siècle).Ce document chiffre le tribut en nature payé par 7 villes aztèques aux seigneurs espagnols de Mexico.
Les différents types de numération.
Ainsi, chaque numérotation va devoir de donner ses différentes unités (unité de premier ordre et puissances successives de la base).Les Égyptiens, les Chinois et les Grecs se sont successivement offert 3 numérations, les Mayas 2 et les Indiens 4.
Les Aztèques, Éthiopiens, Hébreux et Romains ont eu les leurs.On classe les différentes numérations en 3 groupes : (selon les opérations arithmétiques utilisées pour composer les nombres à partir des chiffres).
- Numérations additives.
- Numérations de position.
- Numérations hybrides.
1. Numérations additives.
Dans ces numérations, l'addition est la seule opération utilisée. La valeur d'un nombre est la somme des valeurs des symboles qui le composent.
Par exemple, dans la numération romaine, le I vaut "un" où qu'il se trouve dans l'écriture.
"mille un" s'écrit MI et "cent" s'écrit C.
La longueur du nom est donc sans rapport avec sa valeur. (ex MI "mille un" et DCCCLXXXVIII "888").
Remarques : La numération romaine n'est pas alphabétique. Les 7 symboles numériques - I, V, X, L, C, D, M- ne sont pas des lettres de l'alphabet latin. Ce n'est qu'après un longue évolution qu'ils ont été assimilés à des signes alphabétiques. Voir aussi la numération grecque.
Un problème évident se pose avec ce type de numération, comment écrire des nombres très grands ?
2. Numérations hybrides.
Ces numérations utilisent conjointement l'addition et la multiplication.
"deux cents" est conçu comme "deux" fois "cents" et représenté par "deux" suivi de "cent"
Mais chaque puissance de la base est représentée par un symbole différent, ce qui rend évident la faiblesse de ce principe pour représenter des nombres très grands.
3. Numérations de position.
Hormis la numération indienne qui est développée ci-après, il y eut à trois reprises, et de façon indépendante, création d'une numérotation de position.
- A Babylone, vers - 1 800.
- En Chine, au cours du 1er siècle avant notre ère.
- Dans l'empire Maya, entre le 5e et le 9e siècle.
Ces 3 numérations souffrent de la même faiblesse, la non indépendance des représentations des unités. Le "2" par exemple, n'est pas un chiffre spécifique, mais une itération du "1".
4. La numération indienne de position.
L'invention de cette numération dans l'Inde au 5e siècle.
Les chiffres de "un" à "neuf" ont été inventés en Inde avant notre ère. Ils apparaissent dans des inscriptions de Nana Ghât au 3e siècle av.J.-C., mais le principe de position n'y est pas appliqué.
La numération de position avec un zéro (qui était un point à l'origine), a été inventé au cours du 5e siècle. Dans un traité de cosmologie écrit en sanscrit en 458, le "LOKAVIBHAGA", "les parties de l'univers", on voit apparaître le nombre 14 236 713 écrit en toute lettres ( "un" "quatre" ...). dans ce texte, on trouve aussi le mot "sunya", "le vide", qui représente le zéro.
C'est à ce jour le document le plus ancien faisant référence de cette numération.
Propagation de cette numération.
En 773, arriva à Bagdad une ambassade indienne avec un présent pour le calife MANSOUR et les savants arabes qui l'entouraient : le calcul et les chiffres.
Muhammad ibn Musa al-Khuwârizmi a écrit le premier ouvrage en langue arabe présentant la numération indienne de position au 9e siècle, "livre de l'addition et de la soustraction d'après le calcul des Indiens".
C'est par cet ouvrage que le calcul indien pénétra dans l'Occident chrétien.
Maintes fois traduit en latin à partir du 12e siècle, sa célébrité fût telle que ce calcul fut nommé algorisme, d'Algorismus latinisation d'al-Khuwârizmi.
Au Xe siècle, le moine français Gerbert d'AURILLAC apprit la nouvelle numération chez les Maures d'Espagne et, grâce aux chaires qu'il occupa dans les établissement religieux d'Europe, il put introduire le nouveau système en occident.
En 999, il fut élu pape sous le nom de SYLVESTRE II, ce qui lui conféra l'autorité nécessaire pour implanter la numération indo-arabe. Certes une évolution s'ensuivit dans la comptabilité, les marchands ayant rapidement adopté les nouveaux chiffres, mais les mathématiques européennes n'y trouvèrent pas un sang neuf !
Abacistes contre algoristes et l'utilisation du zéro.
Durant le haut Moyen Age, en Occident chrétien, les opération s' effectuaient sur des abaques (sortes de tables à colonnes), les chiffres étant inscrits sur des jetons, les apices.
Raoul de Laon, un abaciste eut l'idée de placer dans les colonnes vides un caractères nommé sipos, "jeton", qui fût ensuite remplacé par le signe "0".
L'origine de "zéro".
Çunya signifie vide en sanskrit, le zéro est représenté par un petit rond (Pourquoi un rond ? On ne le sait pas vraiment). Traduit en arabe, çunya devient sifr qui, traduit en italien, donna zéfiro. Et de zéfiro à zéro....( cf. aussi, le zéro)
Par la suite, ces abaques furent remplacées, non sans mal, par des "planches à poussières" utilisées par les algoristes, adeptes et utilisateurs du nouveau calcul venu du monde arabe.
On se trouve alors en présence d'un veto ecclésiastique et d'une levé de boucliers de la part de la caste des calculateurs professionnels. Veto qui sera maintenu, en divers endroits, jusqu'au 15e siècle (soit 5 siècles après Gerbert d'AURILLAC !!! c.f. ci-avant).
L'église était contre une démocratisation du calcul qui entraînerait sûrement pour elle la perte de son monopole en matière d'enseignement, et par conséquent, une perte de pouvoir.
Les chiffres arabes demeurent donc, pour un temps, frappés d'interdit.
La graphie des chiffres que nous utilisons.
Les chiffres de "un" à "neuf" ont été inventés en Inde avant notre ère. Ils apparaissent dans des inscriptions de Nana Ghât au 3e siècle av.J.-C., mais le principe de position n'y est pas appliqué.
La graphie de "nos" chiffres vient des Arabes occidentaux de l'Espagne maure. On les appelle les chiffres du ghobar.
Le chemin emprunté fût long et dura environ 800 ans !
Inde → Moyen Orient arabe → Afrique du Nord → Espagne maure.
- Dans ce manuscrit indien du 12e siècle, figure le nombre 109 305. Le zéro est représenté par un point, le "bindu".