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pi decimales
∏ : Une légende.


Le nombre pi est au coeur des mathématiques et malgré plus de 4 000 ans de travail, les mathématiciens arrivent encore à lui trouver quelques mystères. Il s'immisce dans des domaines aussi variés que la géométrie, l'analyse, les statistiques, la physique, l'algèbre, les probabilités.

  • En géométrie car il fut longtemps considéré comme un rapport, celui du périmètre d'un cercle de rayon r par son diamètre en géométrie euclidienne. La lettre π vient d'ailleurs de l'initiale grecque du mot périmètre. 
    => Pour en savoir plus sur la numération grecque.

  • En analyse car il est limite de certaines sommes infinies, produits infinis, fractions continues, racines emboitées dont certaines facilitent son calcul.

  • En algèbre car après des recherches sur les nombres transcendants et irrationnels, on a pu par exemple apporté une réponse au célèbre problème de la quadrature du cercle.

  • En probabilité même il intervient parfois dans quelques lois continues ou dans des problèmes amusants (aiguille de Buffon).

 


1. Définitions.

Première définition et problème.
Le nombre pi est habituellement défini comme le rapport du périmètre P d'un cercle de rayon r par son diamètre. C'est donc le périmètre d'un cercle de diamètre 1, comme cette animation le suggère.

Pi-unrolled slow
Animation de John Reid & Arpad Horvath

Mais est-on sur que ce rapport \(\dfrac{P}{2r}\) reste fixe lorsque la taille du cercle varie ?

En fait, le problème est beaucoup compliqué qu'il n'y parait.
En géométrie euclidienne, dans des espaces plats, la réponse est oui. On peut facilement le montrer grâce au théorème de Thales, en considérant des polygones réguliers inscrits dans le cercle et en faisant tendre le nombre de leurs côtés vers l'infini.

Cependant, depuis le début du 20ème siècle, nous "savons" grâce à la relativité générale que notre espace n'est pas euclidien. Dans notre monde physique, le rapport n'est pas vraiment indépendant du cercle. Puisque la courbure de l'espace varie en fonction des masses présentes, le rapport \(\dfrac{P}{2r}\) du cercle que vous tracez sur une feuille varie lorsque vous passez la main au-dessus !!!!!

Intéressons-nous donc plutôt au π des mathématiciens, c'est plus "simple"...quoi que!.

Pi est donc dans un espace plat le périmètre d'un cercle de diamètre 1.

Définitions géométriques.

  • Une autre définition possible de pi est donnée par le rapport de la surface d'un cercle par le carré de son rayon.
    $$\pi =\dfrac{S}{r^2}$$ On peut facilement montrer que ces 2 définitions caractérise le même nombre.
  • On peut aussi considérer que Pi est égal aux 3/4 du volume d'une boule de rayon 1.
  • ou 1/4 de la surface d'une sphère de rayon 1.

Définition arithmétique.

Dessinons un carré de \((2n+1)*(2n+1)\) points, régulièrement espacés de \(\frac{1}{2n}\) et comptons les points qui sont à une distance du point central O inférieure à 1. En calculant le rapport de ce nombre au nombre total de points compris dans le carré de coté 2 centré sur le point O on obtient une approximation de \(\dfrac{\pi}{4}\).

Définition mathématique plus rigoureuse (niveau post-bac)

La littérature mathématique actuelle ne définit pas pi géométriquement mais plutôt grâce à l'analyse.

  • Le groupe Bourbaki (20ème siècle)
    Ce groupe célèbre de mathématiciens qui a révolutionné les mathématiques du 20ème siècle, défini pi grâce aux propriétés des fonctions circulaires. Il en propose une définition très complexe, voyez plutôt : 

Dans le volume Fonctions de variable réelle :
Pour cela, il a été défini dans le volume de Topologie générale (TG, VII, p.8) l'homomorphisme continu \(x \longmapsto e(x)\) du groupe additif \(\left(\mathbb{R}, +\right)\) sur le groupe multiplicatif \(\left(\mathbb{U}, .\right)\) des nombres complexes de module 1, fonction périodique de période 1 et telle que \(e\left(\frac{1}{4}\right)=\text{i}\).
Pourquoi faire simple ? En réalité, cette fonction est définie par

$$\large x \longmapsto e(x)=\text{e}^{2\text{i} \pi x}$$

Ensuite, en FVR II.4, arrive la proposition 3 :
La fonction e admet en tout point de \(\mathbb{R}\), une dérivée égale à \(2\text{i} p e(x)\), où \(p\) est une constante strictement positive. Dans la preuve de cette proposition, il est démontré que la dérivée de le fonction e(x) est égale à \(\alpha \text{i} e(x)\) ;où \(\alpha\) est une constante strictement positive.
Ensuite, il est dit : "il est d'usage de désigner le nombre \(\alpha\) ainsi défini par la notation 2p."

 

  • Dans Analyse de J.M. Arnaudiès et H.Fraisse (Dunod, Paris, 1968),
    Le nombre Pi est le double de l'unique racine de l'équation \(\cos x = 0\) comprise entre 0 et 2.

    La fonction cos étant définie par la formule : $$\cos z = \dfrac{\text{e}^{\text{i}z} + \text{e}^{-\text{i}z}}{2}$$ avec z nombre complexe et i le nombre imaginaire tel que \(\text{i}^2=-1\).

  • On peut encore comme le fait Guy Auliac [AuCA]page 418 considérer le morphisme de groupes g de \(\left(\mathbb{R}, +\right)\) dans \(\left(\mathbb{C}^*, +\right)\) tel que $$g(t)= \text{e}^{\text{i}t}$$
    Son noyau est un sous-groupe additif de \(\left(\mathbb{R}, +\right)\), qui ne peut être dense dans \(\left(\mathbb{R}, +\right)\), car l'application g étant continue, elle serait constante égale à 1.

    Le noyau de g est de la forme \(k\mathbb{Z}\) (car c'est un sous groupe additif de \(\left(\mathbb{R}, +\right)\) pour un certain \(k>0\).
    Alors on pose pour définition $$\pi = \dfrac{k}{2}$$

2. La course aux décimales de Pi.


Les babyloniens vers - 2 000, les égyptiens puis surtout les grecs furent les premiers à proposer des approximations du nombre Pi.
Le célèbre Archimède vers 250 av. J.C. parvient à obtenir deux décimales exactes du rapport magique, puis Ptolémé 3 décimales vers 150, on arrive à 6 décimales avec le mathématicien chinois Zu Chongzhi (429 - 500), 11 avec l'indien MADHAVA de Sangamagrama (1350 - 1425), 14 avec le perse Al-Kachi ou Al-Kashi (vers 1380-1429) et la barre symbolique des cent décimales est atteinte par le mathématicien anglais John MACHIN (1686-1751) à l'aide d'une formule qui porte son nom.

Formule de john machin

Les méthodes utilisées sont alors assez proche de celle d'Archimède qui utilise des polygones reguliers inscrits dans un cercle de diamètre 1.

 Archimedes pi svg

Avec le XVIIIème siècle et le calcul différentiel de Newton et Leibniz, le calcul de π se dégage de la géométrie et utilise des formules analytiques complexes. Par exemple : le quart du nombre π est égal à la somme infinie : 

$${\pi \over 4}=1-{1\over 3}+{1\over 5}-{1\over 7}+{1\over 9}-{1\over 11}+{1\over 13}-\cdots$$


Un grand progrès de cette époque, en Europe, est de considérer de telles sommes d'une infinité de termes et de leur donner un sens. Cela permit au mathématicien suisse (de la pébublique de Mulhouse à l'époque) Johann Heinrich Lambert (1728-1777) de démontrer en 1761 que π n'est pas un nombre rationnel, c'est-à-dire que ce n'est pas le quotient de deux nombres entiers et donc que la suite de ses décimales ne présente pas de périodicité, qu'elle est infinie.
La chasse aux décimales de π est alors vraiment lancée !

En 2011, on a réussi à déterminer 10 000 milliards de décimales du nombre Pi !

3. Les propriétés du nombre Pi

Irrationnel

Le nombre \(\pi \) est irrationnel, ce qui signifie qu'on ne peut pas écrire \(\pi =\dfrac{p}{q}\) où p et q seraient des nombres entiers.

Al-Khawarizmi, au 10e siècle, est persuadé que π\(\pi \) est irrationnel. Ce n'est cependant en 1761 que le mathématicien suisse Johann Heinrich Lambert (1758-1777) prouve, dans son ouvrage Mémoires sur quelques propriétés remarquables des quantités transcendantes, circulaires et logarithmiques.

Transcendent

Le nombre \(\pi \) est transcendent, c'est-à-dire non algébrique : il n'existe pas de polynôme à coefficients rationnels dont π soit une racine.

C'est au 19e siècle que ce résultat est démontré. En 1873, Hermite prouve que la base du logarithme népérien, le nombre e, est transcendant. En 1882, Ferdinand von Lindemann généralise son raisonnement en un théorème (le théorème d'Hermite-Lindemann) qui stipule que :

Théorème : si \(x\) est algébrique et différent de zéro, alors \(\text{e}^{x}\) est transcendant.

Or \(\text{e}^{\text{i}\pi}=-1\) est algébrique (puisqu'il est égal à \(-1\)). Par contraposition, \(\text{i}\pi\) est transcendant, donc comme \(\text{i}\) est algébrique (car solution de l'équation \(x^2=-1\)), \(\pi\) est transcendant.

Une conséquence importante de la transcendance de π est que celui-ci n'est pas constructible.
En effet, le théorème de Wantzel énonce en particulier que tout nombre constructible est algébrique. En raison du fait que les coordonnées de tous les points pouvant se construire à la règle et au compas sont des nombres constructibles, la quadrature du cercle est impossible ; autrement dit, il est impossible de construire, uniquement à la règle et au compas, un carré dont la superficie serait égale à celle d'un cercle donné.

Questions ouvertes

Les mathématiciens cherchent encore à savoir :

  • si π est un nombre normal, c'est-à-dire que ses chiffres en écriture décimale sont équirépartis ;
  • si π est un nombre univers, ce qui signifie qu'on pourrait trouver dans son développement décimal n'importe quelle suite finie de chiffres.

Ces questions demeurent sans réponse à ce jour !


4. La notation π

  • William Oughtred (1574-1660) utilise le symbole π comme quotient de deux valeurs dans des mathematicae de Clavis. Cela représente pour lui le périmètre d'un cercle. [HaSu] p 185

  • La première personne pour employer le π en tant que rapport de la circonférence au diamètre d'un cercle (3.14159...) estle mathématicien anglais William JONES (1675-1749) en 1706 dans des mathesios de palmariorum de synthèse.
    On croit qu'il a employé la lettre grecque pi parce que c'est la première lettre dans le perimetron (= périmètre).

« Il y a de diverses autres manières de trouver les longueurs ou les secteurs des lignes particulières de courbe, ou avions, qui peuvent beaucoup faciliter la pratique ; en tant que par exemple, en cercle, le diamètre est à la circonférence en tant que [..] &c = π. Cette série ..»

  • En 1734, le mathématicien suisse Leonhard Euler (1707-1783) a utilisé p au lieu du π dans « le reciprocarum de serierum de De summis. ».

  • Dans une lettre du 16 avril 1738, de Stirling à Euler, aussi bien que dans la réponse d'Euler, la lettre p est employée.

  • En 1736 dans l'exposita sive d'analytice de scientia de motus de Mechanica, Euler a employé le π et

« a consciemment adopté ainsi la notation de Jones ou est indépendamment tombé sur elle » ([CajoV2], page 10).

  • Euler a écrit,

« est d'enim de silicium m = le denotante 1 de l'inuenitur π/2 de respondens de terminus de 1/2 : peripheriam d'annonce de diametri de rationem de π. ».

Mais la lettre n'est pas limitée à cette utilisation dans son Mechanica, et la définition du π est répétée quand elle est prise pour 3.14159...

  • Euler en 1737 utilise π utilisé pour 3.14159... dans une lettre, et encore dans diverses lettres en 1737, 1738, et 1739.

  • Johann Bernoulli a employé c en 1739, dans sa correspondance avec Euler, mais dans une lettre de 1740 il a commencé à employer le π.

  • En 1741 le π a été employé dans les Tableaux mathématiques de H. Sherwin.

  • Nikolaus Bernoulli a utilisé le π dans ses lettres à Euler de 1742.

  • Euler a popularisé l'utilisation du π en l'utilisant en 1748 dans Introductio dans Analysin Infinitorum :

Hujus Circuli de Peripheriam de liquet de Satis dans de numeris de rationalibus d'exacte d'exprimi la bande non, par est d'inventa d'autem d'approximationes. l'esse = 3.14159 [etc., à 128 endroits], pro numero de quo, ergo de brevitatis, π de scribam, ut d'ita reposent le π = le Semicircumferentiae Circuli, rayon de cujus = 1, graduum d'Arcus 180 de longitudo d'erit de π de seu. 

 


Bibliographie

[1] Jean-Paul DELAHAYE, "Le fascinant nombre pi", Pour la science diffusion Belin - Paris 1997
[2] Guy AULIAC et J-Y. CABY, "Analyse", Ellises, Paris 2002

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